Par Ségolène BENDADA
Le Petit Mourre, dictionnaire d’Histoire, ne contenait pas d’article à Mustapha Kemal, Atatürk ou à kémalisme. Or Atatürk est à l’origine de la fin de l’empire ottoman. Il est l’initiateur de la République laïque de Turquie.
Atatürk ou Moustapha Kemal est né à Salonique en 1881. Issu d’une famille modeste, il entre au lycée militaire et achève son instruction à Istanbul où il obtient en 1905 le grade de capitaine. De 1908 à 1918, M. Kemal devient chef d’état-major à Salonique et réprime les tentatives de déstabilisation visant la Constitution proclamée un an auparavant. La Turquie s’engage dans la 1ère Guerre Mondiale au côté de l’Allemagne. Il affronte les forces alliées, les Russes sur le front de Mus à l’est, les Anglais en Syrie et en Irak.
Entre 1918 et 1923, M. Kemal est à la tête de la Guerre d’Indépendance turque, et s’emploie à jeter les fondements d’un nouvel Etat turc. En effet, les Turques étaient dans le camp des vaincus en 1918, le sultan fit de nombreux compromis aux Alliés qui en profitèrent pour occuper les détroits, Constantinople et Smyrne. M. Kemal, inspecteur militaire en Anatolie orientale, s’éleva contre le gouvernement du sultanat et organisa des congrès nationaux en juillet et septembre 1919. Il y fit adopter un « pacte national » comportant notamment l’indépendance et l’unité de la Turquie dans ses limites d’octobre 1918, l’autodétermination pour les populations musulmanes anciennement soumises aux Ottomans, l’abolitions du régime des capitulations. En août 1920, le traité de Sèvres réduisait la Turquie à une peau de chagrin. En octobre1922, M. Kemal signait l’armistice victorieux de Moudanya. La guerre d’indépendance prit fin par l’accord de Lausanne en juillet 1923 assurant à la Turquie, l’Anatolie, la Cilicie, l’Arménie, le Kurdistan, les possessions des détroits et de la Thrace orientale ainsi que l’abolition des capitulations. Parallèlement, la Grande Assemblée Nationale Turque (réunie la première fois en 1920) fut la première étape vers la République et la réussite de la Guerre d’indépendance accéléra la fondation du nouvel Etat. Le 1er novembre 1922, le califat et l’autorité du sultan ont été séparés et ce dernier a été supprimé : il n’y avait plus de lien administratif avec l’Empire ottoman. Le 29 octobre 1923, la République turque est proclamée et M. Kemal est unanimement élu président ; le 30 octobre, le gouvernement est constitué. En mars 1924, le califat est aboli.
Ce fut, une révolution, l’Etat national turc était fondé sur la communauté populaire et l’abolition du califat avait plus qu’une valeur symbolique. M. Kemal voulait créer un peuple turc, ne se reconnaissant pas dans une religion mais dans un sentiment d’appartenance à une nation. La rupture se fit à, plusieurs niveaux. La laïcisation de la Turquie se fit dans les domaines scolaire (suppression de toutes les écoles religieuses) et judiciaire (adoption d’un code civil inspiré par le Code Civil suisse, le Code Commercial allemand, le code Pénal italien), les ordres religieux furent abolis et en 1928 , il y eut la séparation de l’Etat et de la religion. Les réformes se succédèrent : adoption du calendrier grégorien, des unités du système métrique universel, de l’alphabet latin et retour à une langue turque, adoption des noms patronymiques (ainsi M. Kemal prend le nom que tous lui attribue, Atatürk, père des turcs).Les droits accordés aux femmes furent une avancée extraordinaire pour l’époque : abolition de la polygamie, loi sur le divorce, droit de vote et d’éligibilité. Atatürk se fit réélire président en 1927,1931, et 1935. Il essaya de mettre en valeur son pays en mettant fin à la dîme payée par les paysans, en soutenant l’industrie. Il désirait une Turquie non conquérante, « paix intérieure, paix universelle » avait-il dit. La Turquie voulait rester neutre et en 1932, le pays rentrait à la SDN.
Mais il brisa toute opposition, fit massacrer les Kurdes en 1925 et 1929, et n’hésita pas non plus à faire exécuter ses adversaires. Il resta Président jusqu’à sa mort en 1938.