Par Marion DULUX
Le volontarisme de Chirac sur la question turque a de quoi surprendre. Derrière cette apparence de conviction, n’est-il pas possible d’y voir des intérêts purement hanséatiques ?
L’Europe des marchands a été rejetée lors du vote du 29 mai. Pourtant, la question turque a été agitée comme un épouvantail par la droite de Sarkozy et l’extrême droite de Villiers / Le Pen. Alors, que cache cette volonté de Jacques Chirac d’adhésion de la Turquie ? Au-delà des réflexions sur les frontières de l’Europe, cette conviction présidentielle est-elle désintéressée ?
Savoir si l’Ukraine, la Biélorussie font partie de l’Europe géographique est une autre vraie question. Mais s’il y a un cas qui ne fait pas de doute, c’est bien celui de la Turquie La frontière entre l’Europe et l’Asie s’est dessinée autour du Bosphore, opposant les Grecs aux Perses ; les Byzantins et les Romains ; les Catholiques et les Orthodoxes ; les Chrétiens et les Musulmans. Tout se complique dès lors que les religions s’en mêlent.
La théorie des frontières naturelles n’est pas compatible avec la notion de nation à la Française. Cette dernière a été détournée. La Nation n’était-elle pas un plébiscite de tous les jours ? Nous étions français parce que nous le voulions. Cette conception s’oppose au droit du sang prussien et à sa force accordée aux déterminismes naturels.
Depuis la révolution kémaliste, la Turquie a conforté sa volonté de vivre à l’heure européenne. Il est incontestable que nous appartenons à un même bassin de vie. Est-on européen parce qu’on a envie de l’être ? Répondre par l’affirmative est enthousiasmant pour notre génération marquée par la conjonction des morosités. La question d’une identité européenne ne recoupe pas les critères traditionnels du nationalisme. C’est heureux. Mais, en favorisant l’idée du partenariat privilégié, nous renoncerions à toute définition positive de l’Europe. Nous la réduirions encore à une simple zone de libre échange. C’est aussi une explication à trouver à la volonté chiraquienne de faire entrer la Turquie dans l’Europe, volonté plus sournoise d’obtenir une position clé entre l’Europe, les pays de l’Est et l’Asie, maquillée de générosité. L’OTAN, sur le plan militaire en profite déjà.
La Turquie comme le plombier polonais furent mis à l’honneur par les campagnes électorales et populistes. La « lepenisation des esprits » doit éviter de pénétrer la gauche. Il y a de la place pour une position socialiste en faveur de l’adhésion de la Turquie. Elle est motivante pour la question du vivre ensemble européen.